Quand un des piliers de notre République s’effondre
.L’éducation est une composante essentielle de notre pacte républicain. En effet, sans elle, il n’y a pas de citoyens. Et pendant que les manifestations perdurent, nos élites s’entêtent et continuent de démanteler notre système éducatif : suppression de postes, allégement des emploi du temps sans contrepartie, suppression de la carte scolaire... sont autant de coups portés à l’école française, déjà à genoux.
Et aujourd’hui, c’est l’enseignement supérieur qui fait les frais de la politique de nos gouvernants. Pourtant, les promesses de la loi Pécresse semblent bien alléchantes :
conduire 50% des jeunes vers un diplôme de l’enseignement supérieur et donner aux jeunes des formations qualifiantes qui leur assurent un avenir professionnel ;
donner à l’université française les moyens et la liberté indispensables pour être plus réactive et plus agile dans la compétition mondiale de la connaissance ;
renforcer les formations des enseignants pour une meilleure réussite des étudiants et pour développer l’attractivité des métiers de l’enseignement universitaire.
Or, malgré tous ces objectifs louables, jamais réforme n’a autant secoué le milieu universitaire qu’elle est censée pourtant soigner. Comment comprendre ce soulèvement soudain ? N’est-ce là que l’expression du conservatisme d’un milieu des plus corporatiste ? Comment comprendre que se côtoient dans la rue et sous les mêmes banderoles les enseignants d’Assas et de Nanterre ?
La raison de cette colère est très simple : sous couvert de bonifier l’université française, la loi Pécresse ne fait en réalité que la sacrifier sur l’autel de l’élitisme et de l’oligarchie. Tout d’abord, la décentralisation de l’enseignement supérieur que cette loi met en place porte atteinte à l’existence même d’un service public national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les universités se retrouveront ainsi mises en concurrence comme de simples entreprises. L’enseignement supérieur ne relevant plus d’une politique nationale, certains établissements continueront leur essor au détriment des autres, remettant ainsi en cause le principe d’égalité. De plus, la gestion locale de la carrière des enseignants (par le président de l’université et non plus le CNU) laissera le champ libre au népotisme. Ce phénomène territorial de décentralisation universitaire portera également atteinte aux conditions égalitaires de travail et de rémunération du personnel concerné.
Ensuite, ce projet de loi dévalorise de manière criante la recherche. Dans son discours du 22 janvier, Nicolas Sarkozy traitait déjà avec mépris les chercheurs qui ne publiaient « pas assez ». Mais peut-on exiger d’un chercheur des objectifs chiffrés ? Peut-on lui leur imposer des critères de rentabilité ? Notre président de la République, qui aime tellement les chiffres, devrait savoir que la France se place au 6éme rang mondial d’après le classement de Shangaï, en 5éme place au niveau des publications, et le CNRS, quant à lui, est le 1er pôle de recherche européen. C’est dire à quel point la recherche française et l’enseignement français sont mauvais. Mais pour que ce tableau soit complet, il convient de rappeler que nos enseignants-chercheurs parviennent à ce classement des plus honorables malgré un investissement de l’Etat qui, lui, ne se situe qu’au 18éme rang mondial.
Ce serait donc plus d’un manque de moyens et d’ambition politique que d’une perte de qualité de nos chercheurs dont souffrirait notre enseignement national. L’investissement privé en la matière est une bonne chose mais, là encore, la prudence est de mise. L’enseignement supérieur peut-il vraiment être lié, sinon tenu, par des capitaux et des ambitions privés ? Certes, l’apport de financements privés peut être favorable au service public si, comme un véritable mécénat philanthropique, il n’induit aucun lien entre le donateur et le receveur. Mais pour autant l’Etat ne doit pas se désengager de son action en la matière. Le financement privé doit demeurer un accessoire afin d’éviter aux directeurs d’UFR et aux présidents d’universités de se transformer en chefs d’entreprises ou autres VRP.
Quant à la formation des enseignants, la politique de réforme des IUFM, ainsi que des concours CAPES et CAPE, fait de la suppression de postes dans la fonction publique la seule variable d’ajustement du gouvernement. De 2002 à 2012, 140.000 postes devraient avoir disparu dans l’Éducation nationale, dont 35.000 entre 2007 et 2009. Or la seule suppression de l’année de stage en IUFM permettra d’économiser 15.000 postes. La masterisation de la formation des enseignants est en fait une arme de destruction massive dirigée contre les fonctionnaires
En effet, les directeurs d’IUFM et le gouvernement ont prévenu depuis longtemps que les masters seraient délivrés non seulement aux étudiants admis aux concours de recrutement de la fonction publique, mais aussi à d’autres ayant échoué au concours mais dont le niveau aux « partiels » correspondrait aux attentes des formateurs. Apparaîtra ainsi une nouvelle catégorie, les « reçus–collés » (reçus au master, collés au concours) qui, contrairement aux anciens maîtres-auxiliaires, aura reçu une forme de certification pédagogique. On verra donc grossir considérablement le volant d’enseignants précaires, dans un premier temps utilisés comme une variable d’ajustement, puis dont l’usage se généralisera petit à petit. Ces professeurs précaires seront recrutés directement par les établissements, dont les proviseurs et les principaux verront leurs prérogatives étendues, comme la loi LRU l’a fait pour les présidents d’université. Dans ces conditions, le maintien de fonctionnaires dans l’Éducation nationale apparaîtra comme une anomalie à laquelle il sera facile de mettre fin, comme ce fut déjà le cas à La Poste ou à France Télécom, mais aussi dans les établissements d’enseignement de la plupart des pays d’Europe.
En réalité, c’est un enseignement supérieur à deux vitesses qui est en train de voir le jour dans notre pays. Les établissements qui n’arriveront pas à suivre deviendront de simple collèges universitaires où seul le diplôme de licence sera délivré et ce, uniquement dans les matières classiques (comprendre rentables). Gageons que les plus grandes universités parisiennes parviendront à se préserver de la tourmente, contrairement aux établissements de provinces qui, eux, ne devront leur subsistance qu’à l’ouverture d’un UFR Coca-Cola, McDonald, Axa...
Notre gouvernement continue ainsi à démanteler un à un les piliers de notre République. Hier, France Telecom et EDF-GDF. Aujourd’hui La Poste et l’enseignement. Demain, qui sait ? La santé sera peut-être à son tour sur le banc des accusés. Restons vigilants.
par Philippe Julliard, Conseiller National DLR
Et aujourd’hui, c’est l’enseignement supérieur qui fait les frais de la politique de nos gouvernants. Pourtant, les promesses de la loi Pécresse semblent bien alléchantes :
conduire 50% des jeunes vers un diplôme de l’enseignement supérieur et donner aux jeunes des formations qualifiantes qui leur assurent un avenir professionnel ;
donner à l’université française les moyens et la liberté indispensables pour être plus réactive et plus agile dans la compétition mondiale de la connaissance ;
renforcer les formations des enseignants pour une meilleure réussite des étudiants et pour développer l’attractivité des métiers de l’enseignement universitaire.
Or, malgré tous ces objectifs louables, jamais réforme n’a autant secoué le milieu universitaire qu’elle est censée pourtant soigner. Comment comprendre ce soulèvement soudain ? N’est-ce là que l’expression du conservatisme d’un milieu des plus corporatiste ? Comment comprendre que se côtoient dans la rue et sous les mêmes banderoles les enseignants d’Assas et de Nanterre ?
La raison de cette colère est très simple : sous couvert de bonifier l’université française, la loi Pécresse ne fait en réalité que la sacrifier sur l’autel de l’élitisme et de l’oligarchie. Tout d’abord, la décentralisation de l’enseignement supérieur que cette loi met en place porte atteinte à l’existence même d’un service public national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les universités se retrouveront ainsi mises en concurrence comme de simples entreprises. L’enseignement supérieur ne relevant plus d’une politique nationale, certains établissements continueront leur essor au détriment des autres, remettant ainsi en cause le principe d’égalité. De plus, la gestion locale de la carrière des enseignants (par le président de l’université et non plus le CNU) laissera le champ libre au népotisme. Ce phénomène territorial de décentralisation universitaire portera également atteinte aux conditions égalitaires de travail et de rémunération du personnel concerné.
Ensuite, ce projet de loi dévalorise de manière criante la recherche. Dans son discours du 22 janvier, Nicolas Sarkozy traitait déjà avec mépris les chercheurs qui ne publiaient « pas assez ». Mais peut-on exiger d’un chercheur des objectifs chiffrés ? Peut-on lui leur imposer des critères de rentabilité ? Notre président de la République, qui aime tellement les chiffres, devrait savoir que la France se place au 6éme rang mondial d’après le classement de Shangaï, en 5éme place au niveau des publications, et le CNRS, quant à lui, est le 1er pôle de recherche européen. C’est dire à quel point la recherche française et l’enseignement français sont mauvais. Mais pour que ce tableau soit complet, il convient de rappeler que nos enseignants-chercheurs parviennent à ce classement des plus honorables malgré un investissement de l’Etat qui, lui, ne se situe qu’au 18éme rang mondial.
Ce serait donc plus d’un manque de moyens et d’ambition politique que d’une perte de qualité de nos chercheurs dont souffrirait notre enseignement national. L’investissement privé en la matière est une bonne chose mais, là encore, la prudence est de mise. L’enseignement supérieur peut-il vraiment être lié, sinon tenu, par des capitaux et des ambitions privés ? Certes, l’apport de financements privés peut être favorable au service public si, comme un véritable mécénat philanthropique, il n’induit aucun lien entre le donateur et le receveur. Mais pour autant l’Etat ne doit pas se désengager de son action en la matière. Le financement privé doit demeurer un accessoire afin d’éviter aux directeurs d’UFR et aux présidents d’universités de se transformer en chefs d’entreprises ou autres VRP.
Quant à la formation des enseignants, la politique de réforme des IUFM, ainsi que des concours CAPES et CAPE, fait de la suppression de postes dans la fonction publique la seule variable d’ajustement du gouvernement. De 2002 à 2012, 140.000 postes devraient avoir disparu dans l’Éducation nationale, dont 35.000 entre 2007 et 2009. Or la seule suppression de l’année de stage en IUFM permettra d’économiser 15.000 postes. La masterisation de la formation des enseignants est en fait une arme de destruction massive dirigée contre les fonctionnaires
En effet, les directeurs d’IUFM et le gouvernement ont prévenu depuis longtemps que les masters seraient délivrés non seulement aux étudiants admis aux concours de recrutement de la fonction publique, mais aussi à d’autres ayant échoué au concours mais dont le niveau aux « partiels » correspondrait aux attentes des formateurs. Apparaîtra ainsi une nouvelle catégorie, les « reçus–collés » (reçus au master, collés au concours) qui, contrairement aux anciens maîtres-auxiliaires, aura reçu une forme de certification pédagogique. On verra donc grossir considérablement le volant d’enseignants précaires, dans un premier temps utilisés comme une variable d’ajustement, puis dont l’usage se généralisera petit à petit. Ces professeurs précaires seront recrutés directement par les établissements, dont les proviseurs et les principaux verront leurs prérogatives étendues, comme la loi LRU l’a fait pour les présidents d’université. Dans ces conditions, le maintien de fonctionnaires dans l’Éducation nationale apparaîtra comme une anomalie à laquelle il sera facile de mettre fin, comme ce fut déjà le cas à La Poste ou à France Télécom, mais aussi dans les établissements d’enseignement de la plupart des pays d’Europe.
En réalité, c’est un enseignement supérieur à deux vitesses qui est en train de voir le jour dans notre pays. Les établissements qui n’arriveront pas à suivre deviendront de simple collèges universitaires où seul le diplôme de licence sera délivré et ce, uniquement dans les matières classiques (comprendre rentables). Gageons que les plus grandes universités parisiennes parviendront à se préserver de la tourmente, contrairement aux établissements de provinces qui, eux, ne devront leur subsistance qu’à l’ouverture d’un UFR Coca-Cola, McDonald, Axa...
Notre gouvernement continue ainsi à démanteler un à un les piliers de notre République. Hier, France Telecom et EDF-GDF. Aujourd’hui La Poste et l’enseignement. Demain, qui sait ? La santé sera peut-être à son tour sur le banc des accusés. Restons vigilants.
par Philippe Julliard, Conseiller National DLR
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