Intervention de Nicolas Dupont-Aignan (plaidoyer contre le retour de la France dans l'OTAN)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, permettez-moi d’associer à mon propos François-Xavier Villain, député maire de Cambrai.
Ce retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN nous paraît incongru et dangereux. Incongru, d’abord, car personne ne le demandait, pas même les États-Unis.
M. Maxime Gremetz. Ils n’osaient pas même l’espérer !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Le Président de la République s’y était-il engagé devant les Français pendant la campagne présidentielle ? Non !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas du tout !
M. Nicolas Dupont-Aignan. La France se trouvait-elle jusqu’à présent empêchée d’agir sur les différents théâtres d’opérations ? Non, les faits le prouvent !
Le président Obama a-t-il donné des assurances sur la mise en œuvre de la « codécision » dont a rêvé à voix haute le Président de la République dans son discours de l’École militaire ? Non !
M. Henri Emmanuelli. Il est toujours en train de rêver !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Et ce ne sont pas les deux commandements secondaires de Norfolk et Lisbonne qui changeront la nature de l’organisation militaire. Ce ne sont là – pardonnez-moi de le dire sans fard, mes chers collègues – que des hochets.
M. Henri Emmanuelli. Des hochets qui ont un prix !
M. Nicolas Dupont-Aignan. On nous dit que nous aurons plus de poids à l’intérieur pour réformer l’Alliance, mais pourquoi signer un chèque en blanc, plutôt que d’obtenir d’abord une réforme et de décider ensuite en pleine connaissance de cause ?
Vous avez parlé d’une participation qui nous permettrait d’être enfin associés. Associés comme spectateurs, peut-être, mais pas comme acteurs est le véritable enjeu : revenir pour quoi faire et dans quelle position ?
Le général de Gaulle avait déclaré en 1966 : « la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée ».
M. Maxime Gremetz. Eh oui !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Rien n’a changé en ce domaine : nous ne serons, dans ce commandement intégré, qu’un subordonné de plus.
M. Henri Emmanuelli. Exactement !
M. Nicolas Dupont-Aignan. En quoi l’addition d’un subordonné, parmi d’autres subordonnés, fera-t-elle progresser Europe de la défense ? Tout au contraire, cette décision de la France tue l’idée même d’une Europe indépendante, puisque le seul pays – le nôtre – qui pouvait être le levain de la pâte, s’enferme dans un rôle de sous-traitant et de supplétif des États-Unis.
M. Henri Emmanuelli. Sarkozy le petit !
M. Nicolas Dupont-Aignan. J’en veux pour preuve que avant même que cette décision soit formellement prise, le Gouvernement a annoncé de nouveaux renforts français en Afghanistan. Dans ces conditions, comment accepter de voir notre pays, sans aucune contrepartie réelle, se priver d’une telle carte, c’est-à-dire renoncer à sa singularité, l’un de ses atouts majeurs dans le monde avec son siège à l’ONU ?
En définitive, en abandonnant notre différence pour des chimères, vous lâchez la proie pour l’ombre. Mais cette fameuse différence, cette certaine idée de la France que tous les Présidents de la République successifs ont su, à leur façon, incarner, Nicolas Sarkozy y tient-il vraiment ? L’évolution de notre politique étrangère au cours des deux dernières années permet d’en douter.
La jachère aggravée de la francophonie, l’engagement dans le bourbier afghan, ce retour précipité dans l’OTAN, forment un tout. D’ailleurs, le Président ne s’en cache pas, en ne cessant d’affirmer son « appartenance au camp occidental ». Pourtant la France pourrait parfaitement être solidaire des États-Unis sans épouser obligatoirement en toutes circonstances leur lecture du monde. Le retour dans le commandement militaire intégré est, à cet égard, un contresens historique majeur.
Loin de moi l’idée, contrairement à ce que veut parfois faire croire le Premier ministre, de demander le statu quo. Mais de grâce, monsieur le Premier ministre, ne faites pas passer pour une avancée un retour en arrière. La question est simple : veut-on définitivement faire de l’OTAN le bras armé de l’Occident ou, au contraire, imaginer une nouvelle organisation de défense, partenaire des Etats-Unis, mais non plus placée sous leur contrôle, une organisation qui parlerait au monde avec sa voix propre ?
M. Maxime Gremetz. Absolument !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Au moment où la vision d’un monde multipolaire imaginé par le général de Gaulle en pleine guerre froide se fait jour – car la situation a évidemment changé – la France met un peu plus le doigt dans un engrenage de guerres qui ne sont pas les siennes, la France abîme son image, renonce à sa part de liberté. Oui, la France renonce un peu plus à constituer le trait d’union entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud, prisonnière d’une vision occidentaliste de son président ! Quel gâchis ! Comme le disait encore le général de Gaulle « la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c’est d’être petit ».
M. Henri Emmanuelli. Bravo !
M. Pierre Gosnat. Même avec des talonnettes !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Toutefois la faute n’est pas seulement géopolitique, elle est aussi politique, car cette rupture va fragiliser un peu plus notre cohésion nationale.
M. le président. Il va falloir conclure, cher collègue.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Je conclus, monsieur le président.
C’est bien parce que la France menait une politique indépendante des États-Unis qu’un exceptionnel consensus s’était, au fil du temps, forgé dans notre pays autour de nos armées, en faveur de l’effort de défense. Or, sans effort de défense, il n’y a pas de pays libre, maître de son destin. À cet égard, il n’est pas étonnant de voir le Gouvernement adopter, en même temps que s’effectue cette réintégration, un livre blanc réduisant sensiblement notre effort de défense.
Mes chers collègues de la majorité, vous ne servez pas le gouvernement que vous soutenez en le laissant commettre une telle erreur. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, en mettant en jeu la responsabilité du Gouvernement, vous m’obligez, sur la politique étrangère et de défense, à vous retirer, à regret, ma confiance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Extrait du Débat et vote sur la déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère
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