samedi 18 avril 2009

Crise des universités : le processus de Bologne en marche...

Le conflit qui oppose le monde universitaire au gouvernement entre maintenant dans sa dixième semaine. Sourde à toute revendication, Valérie Pécresse a lâché du leste sur d’infimes éléments du projet de loi pour paraître plus ouverte au dialogue et mettre la balle du côté des enseignants-chercheurs. Mais plus qu’une simple réforme des universités, l’acharnement de la ministre de l’enseignement supérieur en dit long sur les dessous de ce projet. Cette nouvelle réforme n’est qu’une étape supplémentaire dans la stratégie générale qui vise à développer la commercialisation de l’enseignement.

Les prémices d’une destruction

C’est au cours des années 90 que l’enseignement supérieur a subi ses premières attaques. En intégrant l’éducation dans les services ouverts à la libéralisation, l’O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce) a conduit l’ensemble des systèmes éducatifs des pays membres dans la voie à la déréglementation.

Actuellement, l’O.M.C. régit les échanges de marchandises (A.G.T.D.C.1), de services (A.G.C.S.) et la propriété intellectuelle (A.D.P.I.C.2). L’A.G.C.S. (Accord Général sur le Commerce des Services) qui vise à commercialiser, privatiser et mettre en concurrence l’ensemble des services à l’échelle de la planète en se débarrassant des règlementations en vigueurs dans chaque pays, a été mis en place sur demande de la Commission Européenne. La Commission, soutenue par plusieurs groupes de pression d’industriels européens a également œuvré activement pour introduire l’éducation dans cet accord.

L’enseignement, la recherche et le savoir sont ainsi devenus des biens économiques. Ce tournant idéologique historique a marqué le début des grandes réformes universitaires.

Le processus de Bologne

Afin d’organiser la mise en concurrence mondiale et la libéralisation de l’enseignement supérieur, la Commission Européenne et plusieurs organisations en Europe ont repris en 2001 le processus de Bologne, projet initialement préparé par quatre ministres de l’éducation (France, Allemagne Italie, Royaume-Uni). Officiellement, l’objectif du processus de Bologne est d’harmoniser les systèmes de recherches nationaux au niveau européen pour permettre une plus grande mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs et faciliter les échanges inter-culturels.

Mais derrière ces grandes phrases et ces beaux discours volontairement utilisés pour donner une dimension humaniste et universelle au processus, se cache en réalité un projet bien plus sombre puisque loin de l’harmonisation annoncée, le processus dicte un certain nombre d’objectifs économiques et financiers et ouvre l’enseignement supérieur à la globalisation.

La stratégie de Lisbonne

Toujours dans le même contexte, la stratégie de Lisbonne mise en place en 2000 par le Conseil Européen est censée répondre aux inquiétudes concernant la productivité économique en Europe. Fortement concurrencée par le dynamisme de l’économie américaine, l’Union Européenne se donne alors pour objectif de mettre en place « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Les dirigeants européens réaffirment ainsi leur volonté de transformer le savoir et la connaissance en bien économique et de mettre les universités au service des grandes entreprises disqualifiant ainsi la recherche non rentable. La propriété intellectuelle sera également visée par la stratégie de Lisbonne à travers la réforme des brevets européens3.

Liberté et Responsabilité des Universités

La loi L.R.U est la suite logique des effets du processus de Bologne et de la stratégie de Lisbonne puisqu’elle vise à libéraliser les universités françaises en leur donnant une entière autonomie budgétaire et la libre gestion de leur personnel. Les universités pourront également amplifier la collecte de ressources financières par l’intermédiaire de partenaires extérieurs (entreprises, fondations…). Il est évident que cette pseudo autonomie engendrera une dépendance financière mais également une dépendance en matière de recherche puisqu’une entreprise privée qui financera à coup de milliers d’euros une université exigera inévitablement un retour sur investissement.

Lorsque chaque université aura sa multinationale de référence, nous pourrons définitivement oublier ce à quoi était destiné le service public de l’enseignement supérieur. A la suite des socialistes qui ont initié ce projet destructeur il y a dix ans, Valérie Pécresse poursuit la liquidation de l’université et la recherche fondamentale dans notre pays. Il est loin le temps où nos dirigeants gouvernaient au service de la France et des citoyens français dans le respect des valeurs de notre République. La nouvelle élite au pouvoir est bien décidée à imposer sa « modernité » en se libérant d’un Etat « contraignant » et « réglementaire » pour passer à une globalisation et une uniformatisation aliénante. Si elle est appliquée, cette réforme enterrera définitivement la mission essentielle de l’Etat qui est de préserver l’héritage culturel de notre pays et l’indépendance de la recherche.
VB-dljhn

1. A.G.T.D.C. Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce
2. A.D.P.I.C. Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce
3. Le Protocole de Londres sur la réforme linguistique des brevets européens.

Sources :

- AGCS et processus de Bologne. Des modalités différentes d’un même projet de commercialisation de l’enseignement supérieur ; Sarah Croché - Jean-Émile Charlier. Publié dans Distances et savoirs, Volume 6 n°1/2008, pp.13-41
- Du processus de Bologne à la L.R.U, une catastrophe annoncée, Conférence donnée par Geneviève Azam, Enseignante-Chercheure, Université de Toulouse 2 le Mirail - 23 mars 2009.
- L'AGCS : Quand les Etats abdiquent face aux multinationales par Raoul Marc Jennar et Laurence Kalafatides - 14 juin 2007

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