samedi 11 avril 2009

Hadopi, ça ne passe vraiment pas...

Nicolas Dupont-Aignan et vingt autres députés ont fait basculer le vote sur la loi Hadopi à l’Assemblée Nationale jeudi après-midi. Mobilisé dès le début du projet de loi, Nicolas Dupont-Aignan s’est toujours opposé à toutes attaques contre les libertés sur internet. Les députés UMP qui ont brillé par leur absence (volontaire ?) indiquent clairement que cette loi absurde était vouée à l’échec. Le texte qui repassera à nouveau à l’Assemblée dans les prochaines semaines montre à quel point la démocratie est malade dans notre pays.


Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Assemblée Nationale - Le 8 Avril 2009

Cher(e) Collègue,

Notre assemblée s’apprête à se prononcer sur le projet de loi « Création et Internet » visant à lutter contre le téléchargement illégal d’œuvres culturelles.

Comme vous le savez, cette loi a été coécrite par les acteurs économiques du secteur sous le patronage du Président de la République, ainsi que l’a rappelé notre collègue et rapporteur du projet Franck Riester dans Le Figaro du 9 mars dernier : « Le député-maire de Coulommiers rappelle que ce projet est le fruit d’un accord entre professionnels de la culture et d’Internet signé en novembre 2007 sous l’égide de l’Élysée ».

Or si ce projet a fait l’objet d’un consensus total entre les centristes, les socialistes et l’UMP au Sénat, il n’en va pas de même dans notre Assemblée, où au sein même de la majorité des dissensions se font entendre.

En effet, même si ce texte ne fait pas la une du « 20 heures » il suscite sur Internet - et non pas seulement sur les seuls sites spécialisés - un vigoureux débat, largement en sa défaveur.

Comment pourrait-il en être autrement ?

A l’heure où les Français sont appelés à faire de nombreux sacrifices, le gouvernement nous engage à traiter en urgence une affaire dont je n’hésiterai pas à dire qu’elle est très secondaire dans le contexte économique et social que nous vivons.

« … pitoyable résultat d’une connivence passagère entre des hommes politiques, de gauche comme de droite, toujours soucieux de s’attirer les bonnes grâces d’artistes vieillissants, et des chefs d’entreprises bien contents de protéger leurs profits », voilà ce qu’en dit
Jacques Attali, dans un billet du 9 mars dernier sur son blog.

Et Jacques Attali, qui n’est pas un dangereux gauchiste et qu’on ne peut soupçonner d’être un anarchiste libertaire, a raison !

Hors des considérations à propos de la place de la culture sur Internet et de la juste rémunération des artistes, questions essentielles que la procédure d’urgence nous empêche d’aborder dans la sérénité d’une sérieuse délibération parlementaire, c’est le contenu de ce texte qui est de nature à alimenter la défiance entre les hommes politiques et leurs concitoyens, en particulier les jeunes.

Il est dommage que l’on n’ait pas tiré les leçons de l’échec de DADVSI. On peut se tromper une fois, il est beaucoup moins défendable de commettre une erreur à chaque fois.

Ouvrir la voie à la surveillance généralisée, instaurer une forme de justice d’exception privée, systématiser l’installation de logiciels espions sur les ordinateurs des citoyens, voilà la colonne vertébrale de ce projet transformant l’Internet français en Internet chinois.

Imaginez la réaction des 18 millions de titulaires de connexions ADSL lorsque leur fournisseur d’accès leur demandera, si d’aventure ce texte est voté, d’installer un logiciel filtrant, listant les sites qu’ils sont autorisés ou non à consulter !

De surcroît, les artistes ne seront pas protégés par cette loi qui ne leur rapportera pas un centime de plus. En vérité, ce texte n’a pour but qu’une très illusoire protection pour les majors. Illusoire, car les parades tant techniques (brouillage, cryptage, usurpation d’IP,…) que simplement physiques (échanges sur de simples clés USB) sont déjà exploitées par les internautes ce qui rend, de fait, ce texte obsolète et donc inutile. Sa seule utilité sera d’alimenter la légitime défiance des Français à l’encontre de ceux qui l’auront promu, c’est-à-dire les parlementaires qui l’auront voté pour le compte de quelque gros intérêts.

Depuis des années, je me bats avec nombre de nos collègues issus de tous les bancs de l’Hémicycle pour la seule solution durablement viable, à même de concilier à la fois liberté des internautes, développement de la culture et protection des auteurs, la fameuse licence globale. Car au lieu de prétendre s’attaquer à chaque échange de fichier, il serait plus judicieux de prélever une somme sur chaque abonnement haut débit alimentant un fonds dont le produit serait directement distribué aux artistes.

On vous a dit et répété depuis près de cinq ans qu’un tel système n’est techniquement pas possible : la mise en œuvre d’outils techniques visant à réprimer individuellement les internautes prouve à l’évidence le contraire, à tout le moins la pertinence d’études de faisabilité sérieuses que les autorités publiques ne pourront pas éternellement éluder.

Voilà pourquoi, en conscience, je me permets aujourd’hui de m’adresser à vous, afin de vous exhorter à rejeter ce projet.

Je vous prie de croire, Cher(e) Collègue, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas DUPONT-AIGNAN
Député de l’Essonne
Président de Debout la République

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