L'UMP saborde la loi Hadopi, le gouvernement la repêche
09/04/2009 14H11
Incroyable mais vrai : l'Assemblée nationale a rejeté ce jeudi midi la version finale du projet de loi Hadopi. Les adeptes du téléchargement illégal peuvent remercier l'UMP, qui n'a pas su mobiliser ses troupes et s'est retrouvée en minorité. « Je trouve ça excellent », a réagi à chaud sur Eco89 Lionel Tardy, un des meneurs de la contestation au sein de l'UMP.
Jeudi dernier, l'affaire semblait pourtant pliée. L'Assemblée avait adopté sans surprise le texte de Christine Albanel, avec quelques adoucissements. Ceux-ci avaient ensuite été rejetés mardi par la Commission mixte paritaire (CMP, sept sénateurs et sept députés), chargée d'harmoniser les versions votées au Sénat et à l'Assemblée. Et le Sénat a adopté cette nouvelle version ce jeudi matin, avant l'arrivée du texte devant les députés.
Surprise lors du vote définitif ce jeudi midi : 15 voix pour, 21 contre. Analyse de Lionel Tardy, député UMP opposé au projet de loi :
Surprise lors du vote définitif ce jeudi midi : 15 voix pour, 21 contre. Analyse de Lionel Tardy, député UMP opposé au projet de loi :
« A l'UMP, il y avait un malaise par rapport au texte. Peut-être que ça a joué sur la présence des députés ce matin. C'est le boulot du groupe UMP de rameuter les troupes. Ou au moins aux élus parisiens d'assurer la majorité [une bonne partie des provinciaux étant déjà repartis dans leurs circonscriptions, ndlr]. Normalement, quand un texte est bien ficelé, on a la majorité sans problème. On peut trouver beaucoup de raisons pour ce rejet, mais il faut peut-être se poser les vraies questions sur le texte. »
Lionel Tardy avait été un des principaux animateurs des débats la semaine dernière, lors de l'examen du texte à l'Assemblée. Jeudi dernier, à la fin des débats, il avait voté contre le projet de loi. Mais, ce jeudi midi, il a « boycotté » la séance :
« Je refusais de créditer ce truc (…). On n'a pas voulu me laisser de temps de parole, le groupe a choisi (Frédéric) Lefebvre et (Philippe) Gosselin. Je ne voulais pas participer à cette mascarade.»
« Un échec personnel du président de la République »
Une fois n'est pas coutume, le député Patrick Bloche, chargé du dossier au PS, confiait immédiatement à Eco89 la même analyse que son collègue de l'UMP :
« Ce qui s'est passé dans l'hémicycle, c'est la conjugaison d'une forte mobilisation de l'opposition et d'une démobilisation de l'UMP, qui n'a pas été convaincue par les arguments de la ministre et qui ressent une gêne certaine sur ce texte. »
Après avoir vu ce jeudi midi l'exception d'irrecevabilité déposée par le groupe socialiste rejetée à l'Assemblée, la joie de l'opposition a été d'autant plus grande à l'annonce du résultat du vote définitif. Patrick Bloche s'en souviendra :
« Les députés de la majorité ont été saisis au moment du résultat du vote, surpris qu'ils étaient. Nous, on a sauté de joie et on s'est embrassé. »
Quid maintenant de la loi Hadopi ? Juridiquement, le gouvernement peut faire revoter les parlementaires sur le texte adopté par l'Assemblée avant son passage en CMP. Mais le calendrier parlementaire déborde déjà, et surtout la procédure est très délicate politiquement, selon Patrick Bloche :
« Si on peut juridiquement donner une survie à ce texte, son acte de mort politique a été signée aujourd'hui. C'est un échec personnel du président de la République, qui à travers
Le projet de loi « n'est retardé que de quelques semaines »
Mais, contacté par Eco89, l'entourage de Franck Riester, le rapporteur UMP du projet de loi, laissait penser le contraire dès le début de l'après-midi et minimisait le rejet : « On continue. C'est juste une obstruction de plus de la part de la gauche. »
Alors, stop ou encore ? Encore, a finalement tranché Roger Karoutchi à 15h. Pour le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, le projet de loi « n'est retardé que de quelques semaines », a-t-il déclaré à la presse. Le gouvernement le représentera à l'Assemblée « à la rentrée des vacances parlementaires de Pâques ».
Pour Roger Karoutchi, ce rejet n'est qu'un « acte de flibuste » de la part de l'opposition, qui « cache des parlementaires et à ne les fait entrer dans l'hémicycle qu'une fois le vote appelé pour dénaturer la réalité d'un débat et d'un vote » :
« C'est un mauvais coup à la création artistique, c'est un mauvais coup pour les artistes français. C'est une manière de débattre et de voter la loi qui est complètement aberrante. Je considère que c'est indigne du Parlement et de la République. »
« Une nouvelle atteinte à la démocratie »
« On savait déjà que le gouvernement n'écoutait pas les Français, il n'écoute même plus leurs représentants au Parlement », s'est aussitôt indignée dans un communiqué Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, dont les députés avaient permis ce rejet :
« Comme lors du précédent camouflet sur la loi OGM, le gouvernement ne veut pas tenir compte du rejet de la loi par les parlementaires et souhaite passer en force. Il s'agit clairement d'une nouvelle atteinte à la démocratie. Le rejet du Parlement devrait pourtant être un avertissement clair.»
François Krug et Julien Martin
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